Avez-vous changé d’avis?
- Lettre ouverte à Erri de Luca.
- Cher Erri de Luca
Si nous prenons la plume pour vous écrire c’est que nous sommes avant tout des lecteurs de vos livres, qui apprécions beaucoup votre travail ainsi que votre parcours, si nous en croyons les articles que nous avons lus à votre sujet.
Nous croyons savoir que vous êtes un homme épris de justice. Nous savons aussi que vous vous intéressez à la Bible et au judaïsme, et que vous avez appris l’hébreu. Cette curiosité vous honore. Toutefois l’histoire du judaïsme, qui comporte de très belles pages dépasse, et de loin, celle de l’Etat d’Israël qui ne comporte que des pages tachées de sang. C’est parce que nous avons peur que vous confondiez les deux que nous vous demandons de reconsidérer votre participation au prochain Festival International des Ecrivains de Jérusalem, au mois de Mai.
Le boycott organisé contre ce genre de manifestation n’est pas un boycott de la culture ni des écrivains israéliens et encore moins juifs. C’est bien un boycott institutionnel visant à ne pas légitimer l’Etat d’Israël et sa propagande alors qu’il célèbre dans la joie 60 ans d’occupation illégitime d’une terre, qui correspondent également à 60 ans de dépossession du peuple Palestinien et de vie en exil, sous occupation militaire ou en tant que citoyens de seconde zone en Israël, discriminés, entravés dans leurs déplacements etc…
Ce boycott répond à l’appel désespéré des Palestiniens qui espèrent ainsi faire pression de manière non violente sur l’Etat d’Israël, pour qu’il respecte au minimum les résolutions votées à l’ONU par la communauté internationale. Inspirée de l’exemple sud-africain, c’est la seule façon pour nous, citoyens du monde, d’exprimer notre solidarité avec ce peuple qui se bat pour sa survie pendant les célébrations immorales et bruyantes.
Nous ne pouvons pas croire qu’un humaniste comme vous se place aux côtés des bourreaux, ignorant les pleurs mais aussi les cris des Palestiniens, en situation d’apartheid sur leur propre terre, y compris à Jérusalem où se déroulera le festival des écrivains. Nous ne pouvons pas croire que votre amour de la littérature vous fasse oublier que derrière chaque écrivain il y a un être humain
et une conscience.
Nous vous écrivons au nom de l’association Tadamon (qui signifie Solidarité en Arabe), qui regroupe des personnes de bonne volonté pour faire avancer la justice internationale, en particulier en Israel/Palestine. D’autres associations indépendantes partagent notre point de vue mais elles n’ont souvent pas accès aux grands médias. Ainsi, le comité BRICUP a écrit une lettre à Nadine Gordimer, lui demandant également de ne pas participer à ce festival. La route sera longue avant la fin du conflit Israélo-Palestinien, mais vous pouvez dès aujourd’hui faire un petit pas dans la bonne direction par votre décision.
Nous espérons sincèrement que vous changerez d’avis,
Nous nous tenons bien entendu à votre entière disposition si vous souhaitez obtenir plus de détails sur la campagne de boycott ou sur la politique d’apartheid israélien.
Très cordialement,
Dror Warschawski Paris, France.
Pour Tadamon!