Le ministre des Affaires étrangères canadien Peter Mackay s’est rendu en Afghanistan au courant du mois de janvier et prévoie une visite en Liban et en Palestine dans les prochains jours dans le but de promouvoir le ‘dialogue et la paix’.

Tadamon ! Montréal lance cet appel pour mettre en lumière le rôle et la position impérialistes du gouvernement conservateur canadien au Moyen Orient. Les déclarations du ministre soutenant Israël durant la guerre qui a dévasté le Liban cet été et appuyant la poursuite de la présence canadienne en Afghanistan pose une fois de plus la question de l’ingérence canadienne dans la région.

Malgré une idée très répandue, la politique canadienne dans les conflits qui secouent la région a rarement été équilibrée et neutre. Ainsi, le soutien inconditionnel des gouvernements canadiens successifs à l’Etat d’Israël ne leur permet pas de jouer le rôle de ‘pacificateur’ que le Canada prétend promouvoir. Cette politique étrangère partiale est apparue de manière flagrante lorsque le Canada a soutenu fermement la guerre qu’Israël a lancée contre le Liban en juillet 2006. Ainsi, la position canadienne doit être critiquée dans la globalité de ses interventions dans la région : le maintien d’une armée canadienne offensive en Afghanistan, le soutien du gouvernement conservateur à la guerre en Irak, le fait que le Canada ait été le premier pays du monde à retirer toute aide aux Palestiniens après l’élection du Hamas…

Au regard de ces prises de position du gouvernement, Tadamon! Montréal lance un appel à l’opinion, au Canada et au Moyen Orient pour faire entendre son opposition à l’ingérence canadienne dans la région.

Le Canada a soutenu l’attaque israélienne contre le Liban en 2006:

Alors que le Liban à subi des bombardements durant 34 jours, causant la mort plus de 1300 civils (dont un tiers d’enfants), le déplacement d’un million de personnes et des destructions massives, le gouvernement canadien a déclaré que: « la réponse d’Israël, étant donné les circonstances, a été mesurée. »

Le Canada n’a pas appelé à un cessez-le-feu immédiat et sans conditions, se rendant ainsi complice de l’assaut israélien, prétextant “qu’un cessez-le-feu et un retour au statu quo constituent une victoire pour le Hezbollah”.

Le Canada n’a pas condamné les crimes commis par Israël:

Les violations du droit humanitaire international dont attestent les rapports d’Amnesty internationale qui indiquent que les forces israéliennes « ont mené des attaques disproportionnées et sans discernement. »

N’ayant pas condamné les massacres de civils au Liban et en Palestine, le Canada n’a pas non plus rendu Israël responsable de la mort de ses propres ressortissants, envers lesquels il a un devoir de protection. Rappelons que 11 membres (dont 4 enfants) de la famille Al Akhras de Montréal ont perdu la vie dans le bombardement de leur maison le 16 juillet. Le gouvernement a fait ses condoléances, mais n’a jamais condamné le bombardement ou appelé à une enquête.

L’utilisation massive par Israël de bombes à sous munitions sur des zones civiles a été condamnée par l’ONU ainsi que les violations répétées du cessez-le-feu par Israël.

Le Canada considère la résistance libanaise comme terroriste:

Pour mieux illustrer la position canadienne, Tadamon! a recueilli les déclarations les plus significatives du ministre des affaires étrangères Peter MacKay, durant la guerre de 34 jours:

« Pour moi, le choix n’est pas difficile: être aux côtés d’un état, un gouvernement démocratiquement élu, une démocratie qui a été attaquée par des terroristes et un groupe de tueurs de sang froid »

« Le Liban est otage du Hezbollah. Il n’y a pas de doutes là-dessus. Le Hezbollah est un cancer pour la société libanaise, il en détruit la stabilité et la démocratie à l’intérieur de ses propres frontières »

«… Le Hezbollah met délibérément d’innocents civils en danger, les utilisant comme base pour lancer ses roquettes. »

« “Le peuple libanais ne devrait pas être otage des actions extrémistes d’une organisation désignée par les Nations unies comme un groupe terroriste. Le Hezbollah et ses partisans devraient respecter le souhait des Libanais de mener une vie calme et sûre. »

Peter Mackay a accusé catégoriquement et sans preuves le Hezbollah d’utiliser des civils comme boucliers humains, ce qui a été contesté par divers observateurs et rapports préliminaires d’ONG. Enfin, notons que malgré ses allégations, nous n’avons jamais trouvé de résolution dans laquelle l’ONU qualifierait le Hezbollah de groupe ‘terroriste’. Les propos du ministre des affaires étrangères démontrent une méconnaissance profonde des réalités politiques de la région: en diabolisant le Hezbollah, ces déclarations stigmatisent des centaines de milliers de personnes qui le soutiennent et tendent à ignorer la nature même et l’histoire de ce mouvement.

Rappelons enfin la dernière déclaration du Premier Ministre S. Harper: « nous n’allons nous asseoir avec des personnes [Hamas and Hezbollah] dont les objectifs sont au final génocidaires. » L’utilisation du terme génocide est ici infondée et irresponsable, il s’agit encore là de désinformation, voire de diffamation.

Quelle que soit notre opinion sur la situation actuelle au Liban, considérer que le peuple libanais est otage du Hezbollah démontre un mépris pour toutes les personnes qui soutiennent et votent pour ce mouvement qui est reconnu par le régime libanais comme un groupe de résistance et un parti politique qui a des élus au parlement et des ministres. De plus, depuis le 1er décembre, des centaines de milliers de personnes se joignent aux manifestations populaires appelées par l’opposition, dont le Hezbollah fait partie. Tadamon ! Montréal s’oppose au fait que le Canada aille au Liban pour soutenir fermement le gouvernement en place de Fouad Siniora, interférant dans les affaires intérieures d’un Etat souverain. En outre, cet appui ignore les revendications populaires exprimées par une importante partie de la population libanaise et des forces politiques du pays.

Le Canada soutient la guerre contre le terrorisme dans la région:

Le Canada participe activement à l’invasion de l’Afghanistan et compte envoyer davantage de troupes, alors que la situation pour la population afghane s’aggrave de jour en jour.

Le Canada soutient la politique américaine en Irak où la guerre a déjà fait plus de 600 000 victimes, a déstabilisé l’ensemble de la région et continue de ravager le pays .

Le Canada a soutenu l’attaque israélienne contre le Liban mais aussi, et ce depuis longtemps, la politique d’apartheid pratiquée par l’Etat hébreu contre le peuple palestinien. Le Canada a été le premier pays à retirer toute aide aux Palestiniens, il ne condamne pas le mur d’apartheid, l’occupation et les crimes commis ces derniers mois à Gaza.

Nous condamnons par principe un interventionnisme impérialiste du Canada au Moyen Orient. Paul Martin avait dit « Les valeurs d’Israël sont les valeurs du Canada. » Si l’ancien Premier ministre pensait à la nature coloniale de l’Etat canadien et à la politique de discrimination et de spoliation pratiquée envers les peuples autochtones sur l’île de la grande tortue, alors en effet, le soutien à Israël s’explique…

Tadamon! pense qu’il est par ailleurs fort ironique que les responsables politiques au pouvoir à Ottawa prétendent vouloir amener la paix dans la région et promouvoir le dialogue, alors que leur vision manichéenne de la politique étrangère méprise les luttes des peuples autochtones au Moyen Orient (comme au Canada), foulant au pied les principes d’auto-détermination, du droit des peuples à résister et des droits humains fondamentaux.

Tadamon! Montreal